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Catégorie Vincent Delerm
11 février 2007

Les Voyages Immobiles

"Avec ta tête de fille qui pense

A Marrakech pour les vacances

Avec ma tête de type qui dit

"sinon, on peut rester ici …"   Les Marmots

clipavalanches2ej5

   Bouge-t-on beaucoup dans les chansons de Vincent Delerm ? Son répertoire prête-t-il au voyage ? Pas vraiment dirons-nous, même si les séjours passés dans sa jeunesse en compagnie de ses parents (Londres, Prague, Scandinavie…), ou de ses amis (Italie, Mexique…) ont tendance à nous embarquer de plus en plus souvent vers des contrées plus ou moins exotiques. Pourtant, malgré ces diverses escapades, notre ami ne semble pas encore être devenu le grand seigneur du jet-lag et il n’est pas inconcevable que le guide du Routard du Sri lanka ne lui donne encore quelques frissons d’effroi. « Je n’ai plus peur de l’avion », a-t-il déclaré fièrement lors d’une émission radio récente, lui qui n’a traversé l’Atlantique pour la première fois qu’au début des années 2000, à l’occasion de concerts canadiens. En outre, celui qui n’était « pas chaud » pour partir en vacances à Naples avouera au magasine Ushuaia  concernant son voyage au Mexique: « Il était improbable que je puisse voyager aussi loin. »

    Pas étonnant, dans ces conditions, que les ballades delermiennes se limitent encore aujourd’hui à des  promenades de l’esprit, à des visites dans le monde de l’intime plutôt qu’aux grands espaces altruistes et terre-à-terre qu’ont su si bien nous conter certains Bernard Lavilliers et autres Claude Nougaro. C’est sans doute un peu la marque de fabrique de la « nouvelle génération de chanteurs pour bobos », comme diraient des journalistes sans imagination. Mais c’est aussi parce que, où qu’on aille, l’on ne peut se séparer de « soi-même », de ses maux intérieurs, pour reprendre l’idée d’Alain de Botton, auteur de L’Art du Voyage.

    Si l’on analyse un peu les textes de Vincent, nous remarquerons que les voyages ne deviennent précieux que parce que s’y raccrochent des souvenirs personnels : un voyage = une fille, que ce soit à Naples, Prague, Londres, Sestrière ou la Norvège ! Dans d’autres cas, le voyage équivaut à une déchirure : le fils d’Elisabeth qui part pour Toronto ; un ex-mari qui dort à Bruxelles loin de sa fille. Ainsi, voyager, ce n’est pas seulement découvrir un autre pays, mais c’est aussi mieux connaître davantage le sien, celui que l’on a, caché tout au fond, et ainsi l’enrichir d’expériences heureuses ou douloureuses, au profit de sa créativité.

    Bien sûr, toute mobilité n’est pas exclue dans l’œuvre de Vincent Delerm, bien au contraire ! Les moyens de transport sont innombrables au fil des textes! Certes, peu d’avions, pour ne pas dire aucun, encore moins de bateaux mis à part quelques ports (celui de Piegu, par exemple, que Vincent cite furtivement et duquel il ne semble pas vouloir s’embarquer) ou « un chalutier avec des mouettes », qui donne davantage l’idée d’une sédentarité lourde fixée au carton d’une Carte Postale que d’un désir d’aventure vers le grand large.

    Malgré tout, l’univers citadin à travers lequel Vincent nous guide que ce soit dans Paris, Londres, Rouen ou autres petits villes de Province, regorge de déplacements plus ou moins courts à bord de moyens de transports plus ou moins « communs », dans tous les sens du terme.

   Ainsi, pour illustrer mes propos, voici le recensement sans doute non exhaustif de tous les moyens de transport figurants dans le petit monde de Delerm. Nous y trouvons ainsi :

- 21 références plus ou moins directes aux voitures dont 5 marques citées (4X4, Opel Vectra, Rover, Bentley, Coccinelle.),  2 feux rouges, 2 aires d’autoroute, 1 péage, 2 embouteillages, 1 parcmètre, 1 course de formule1, 1 pilote ( Schumacher ) et 1 auto-tamponneuse !

- 11 références aux trains de banlieue ou grandes lignes. (Gares, quais, horaires dont une chanson se déroulant exclusivement dans un Compartiment Fumeurs)

- 6 métros dont 2 « poinçonneurs des Lilas » !

- 3 tramways.

- 4 autocars  et  3 autobus 

- 2 vélos (l’un sous une bigoudène, l’autre appartenant à Mémé)

- 2 taxis

- 1 vespa

- 1 troupeau de rollers

- 3 chevaux (1 fourbu, 1 de bois et 1 jument qu’on caresse)

- 1  promenade en calèche

- 1 trottinette à la con

- 1 camion sous lequel est passée la pauvre Lulu la Nantaise.

    Pourtant, il semblerait que le moyen de transport préféré de notre chanteur, soit en réalité ses pieds ! Quoi de mieux pour découvrir le monde qui nous entoure ? En effet, le mot « trottoir » a été répertorié dans 9 chansons, sans compter les fois où le précieux morceau de macadam est invoqué implicitement lorsque l’auteur prend des verres en terrasses (3), écoute "Just Like Heaven avenue du Maine" pour la fête de la musique, sort de chez elle "rue Saint Séverin" ou se promène au hasard d’une brocante ou d’une rangée de bouquinistes.

    Autres exemples pédestres qui ne vous auront pas échappés : les fameuses références aux squares et parcs en tout genre dans lesquels Vincent se promène seul ou accompagné. Nous ne citerons qu’à titre d’exemple : "Kensington Square", "le Square Motholon", "Carpeaux", sans oublier le zoo de Thoiry ou le zoo du jardin des plantes dans La Vipère du Gabon.

    Je pourrais aussi enchaîner sur le nombre de bancs dans les chansons de Vincent Delerm, les divans, les lits, l’immobilité étant aussi omniprésente. Mais comme l’a fort bien dit je ne sais plus qui : « Ca, c’est une autre histoire… »

   

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Commentaires
M
Très bien vu, comme article... <br /> Je me souviens, dans le spectacle au Bataclan en 2003, son prélude à la file d'attente était bourré de références géographiques (un bar tabac de la rue d'aboukir, le restau tibétain, je ne sais plus quel talus pour le feu d'artifice...)<br /> <br /> Et pour le dernier spectacle, le final en mexicains sur la natation synchronisée, ça relève de la même idée...<br /> <br /> <br /> http://librepluriel.over-blog.com/article-5668284.html<br />
M
Bravo Crème pour ce bel article !<br /> <br /> C'est super agréable de lire des choses un peu fouillées sur Delerm, et un peu inattendues.<br /> Effectivement, tu as dû y passer du temps, je pense qu'il faut conserver tout ça dans l'éventualité de la publication de la première thèse sur Vincent Delerm ! ;-)<br /> <br /> nb (que tu pourras effacer) : j'ai compté 24 ou 25 feux rouges (selon l'interprétation) "avec ta tête de fille qui va brûler 22 feux sur 23..." Donc 22+2=24, ou si l'on compte celui où elle s'arrête 22+2+1=25...<br /> Mais je chipote !<br /> <br /> Au plaisir de continuer à te lire !<br /> <br /> maia
M
Bravo Crème ! Tu as dû passer du temps à faire ce recensement .... Merci !
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