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Catégorie Vincent Delerm
6 mars 2007

Au nom du père... (Chapitre 1)

    La relation entre Vincent Delerm et son père fascine et inspire. Agnès s'est penchée sur les oeuvres des deux hommes et nous propose de parcourir les douces et troublantes similitudes entre les deux univers:

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Philippe et VincentDelerm
Univers croisés

    Avant de se faire un prénom, Vincent Delerm a commencé par être le « fils de » Philippe Delerm, écrivain, qui accède à la notoriété en 1997 avec « La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules ». Succès phénoménal, qui fera connaître son nom et lancera véritablement sa carrière d’écrivain. L’univers de Philippe Delerm est aisément reconnaissable, et Vincent en a certainement été baigné toute son enfance et son adolescence. D’ailleurs, les « professeurs de lettres, branchés sur France Inter et qui votent pour les Verts » qui commencent « Tes parents » sont vraisemblablement un hommage à Philippe et Martine Delerm, eux-mêmes professeurs de lettres. On croise en effet chez eux le chauffage à 17° et l’album sur Colette (« Le Bonheur ; tableaux et bavardages »).
   L’entrée en littérature de Philippe Delerm a lieu en 1983 avec « La cinquième saison », roman mélancolique sur l’absence. On y trouve déjà des thèmes qu’il développera ultérieurement. Comme dans « Cosmopolitan », la solitude est au cœur du livre ; mais ici, ce n’est pas une rupture mais un deuil qui sépare de l’être aimé. Deux livres de Philippe Delerm sont largement autobiographiques : « À Garonne », qui retrace l’histoire de sa famille en particulier de la branche paternelle ; la naissance et les premières années de Vincent y sont évoquées à la fin du livre ; et surtout « Le bonheur - Tableaux et bavardages »  qui donnent parfois l’étrange impression de feuilleter l’album photo des Delerm, et d’y rencontrer le fantôme de l’enfant que fût Vincent … « Mister Mouse » n’est pas réellement autobiographique … mais le lecteur du « bonheur » fera aisément la transposition Jeremy-Philippe, Emily-Martine et Mortimer-Vincent (reste une petite sœur de fiction).                                                                                   « La sieste assassinée » figure parmi les recueils de Philippe Delerm composés de brefs tableaux juxtaposés (définis par l’auteur dans « Mister Mouse » comme « des aquarelles, des petites gouaches, des esquisses »). Dans « il va pleuvoir sur Roland Garros », on trouve l’inspiration tennistique également présente chez Vincent : John McEnroe, croisé dans « Puissance quatre », Sergio Brugera (« La natation synchronisée ») et surtout « Les jambes de Steffi Graf » (où on voit aussi Gabriela Sabatini). Le cinéma (« Fanny Ardant ») est présent dans « la voix du doublage » ;  « L’heure du tee » rappelle étrangement « L’heure du thé » bien que les contenus diffèrent radicalement : le tee dont-il s’agit est en effet celui utilisé par le buteur au rugby (!). On croise « Marine »  dans « À l’envers des paupières ». Et si Vincent hésite dans « Il fait si beau » à laisser entrer les témoins de Jéhovah, Philippe a moins de scrupules à les laisser sur le paillasson (« La vérité»).                                             

   On trouve finalement moins de correspondance dans « La première gorgée de bière… » . À noter quand même « Le paquet de gâteaux du dimanche matin », qui résonne avec l’hilarant monologue précédant « Les assiettes » (« pas un gâteau, mais plusieurs petits… »), et « Le cinéma » et « Le pull d’automne », grandes constantes delermiennes. « Enregistrements pirates » comprend un texte dédié au théâtre (« comme une absence »), où, lors d’un monologue (Shakespearien ? ), l’esprit de l’auteur s’échappe… mais lui ne quitte pas la salle. Encore au spectacle, « On n’est pas couchées ! »  décrit cet instant suspendu, où certains mettent leurs manteaux et sortent, pendant que d’autres continuent d’applaudir pour obtenir un rappel. Notons que le chanteur revient quatre fois chez Philippe Delerm, on s’en souviendra une prochaine fois ! Dans « Dickens, barbe à papa et autres nourritures délectables », notons un hommage à Renaud, « Mistral toussant » (comme quoi chez les bobos, il y a Delerm père et fils !). Enfin, « Voici ma ville » chante en clair-obscur Rouen, à qui Philippe a rendu, avant son fils, un vibrant hommage  (« Rouen »). Le dernier opus paru (« La tranchée d’Arenberg et autres voluptés sportives ») n’est pas une compilation d’exploits guerriers, comme certains peu au fait du sport cycliste pourraient le croire (la tranchée d’Arenberg dont il est question est un passage mythique de la course Paris-Roubaix). Le stress paternel lors des compétitions de tennis de table de Vincent y est décrit dans « cocotte nerveuse ».« Il avait plu tout le dimanche » est un court roman (ou une longue nouvelle). Le héros y parcourt la géographie parisienne et en particulier le square Carpeaux (celui du « Baiser Modiano » - le nord parisien (où s’est déroulée l’enfance de Martine Delerm ?) figure d’ailleurs souvent en arrière plan chez Philippe Delerm). L’unique voyage à l’étranger du héros se déroule à Ostende, dont la plage n’est pas sans rappeler « Deauville sans Trintignant ».  « L’envol » est une nouvelle où le héros voit sa vie basculer après la visite d’une exposition sur Jean-Michel Folon. La peinture est un élément important de l’univers  delermien  et dans « Le bonheur- tableaux et bavardages » , on apprend que de nombreuses affiches sont sur les murs de la maison … Affiche qui est le thème de « 29 avril au 28 mai » (titre un peu obscur – ce sont les dates d’une exposition au Grand Palais d’un peintre jamais cité). « Panier de fruits » est une nouvelle caustique sur un écrivain malchanceux en littérature, qui devient millionnaire en écrivant les paroles d’un tube… L’avis de l’auteur sur l’univers impitoyable du show-biz : « Je connaissais encore bien mal le monde démoniaque du show-biz, mais une loi me semblait fonctionner sans redouter d’exceptions : plus c’était nul, mieux ça marchait. De toute façon, les bons chanteurs n’avaient pas besoin de mes paroles. Et quant aux autres… ». On ne saurait dire mieux !

Oeuvres de Philippe Delerm (extrait) :

« La cinquième saison » Éditions du Rocher, 1983
« Le bonheur- Tableaux et bavardages » Éditions du Rocher, 1986
« Rouen » (collection « Des villes ») Éditions Champ Vallon , 1987
« Mister Mouse » Éditions du Rocher, 1994
« L’envol » Éditions du Rocher, 1996
« La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules » Éditions
Gallimard-L’arpenteur, 1997
« Il avait plu tout le dimanche » Mercure de France, 1998
« Panier de fruits » Éditions du Rocher, 1998
« La sieste assassinée », Éditions Gallimard-L’arpenteur, 2001
« Enregistrements pirates », Éditions du Rocher, 2003
« Dickens, barbe à papa et autres nourritures délectables »  Éditions
Gallimard-L’arpenteur, 2005
« À Garonne » NiL éditions, Paris, 2006
« La tranchée d’Arenberg et autres voluptés sportives ». Édition

Texte et recherches par Agnès.

Photo tirée du Figaro.

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Commentaires
F
Bonjour :) Je ne trouve pas de documentations sur le livre >. La plus complète que j'ai pu trouver est la vôtre. N'auriez pas vous pas d'autres sources à me proposer ? ( analyse, fiches de lectures etc ... )<br /> <br /> MErci
C
je vous suggère de lire ce bouquin consacré à Philippe Delerm : "Philippe Delerm et le minimalisme positif" (éd du Rocher, 2005).
M
C'est sûr que leurs univers sont proches, et la philosophie de la vie est la même ... Je me rappelle d'un texte sur le choix de la pizza, qu'on retrouvait un peu dans une des transitions de la tournée KS ... Ils sont très complices, très proches, et le disent souvent. Merci Agnès !
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